mardi 28 mai 2013

Dans ma chambre, de Guillaume Dustan


A l'occasion de la parution chez POL des oeuvres complètes de Guillaume Dustan*, tu te décides enfin à ouvrir les pages de son premier roman paru en 1996, Dans ma chambre

Tu t'apprêtes à vivre une expérience de mise à nu des plus absolues. Ces pages dégorgent de sexe, les baises s'enchainent à un rythme effréné et jamais ne se ressemblent. Tu te retrouves en apnée, jambes croisées et bien serrées, à suivre ces ébats qui tendent vers une banalité affolante. 

Tu dois comprendre que rien ne te sera épargné. Car avec Guillaume Dustan, tout y passe. C'est vain, trivial, midinette, scabreux, obscèneludique, décevant, excitant, révoltant, mortifère, émouvant. Et par dessus tout, tu as cette impression de mise en danger, comme s'il fallait aller toujours plus loin, sans jamais lâcher prise pour autant. Comme si c'était une question de survie.
Tu acceptes cette vérité qui te heurte parfois, mais qui ô combien te réveille

*Œuvres I, regroupant Dans ma chambre, Je sors ce soir, Plus fort que moi,  édition de Thomas Clerc.



lundi 20 mai 2013

Les Saintes du scandale, d'Erri de Luca



Tu n'es pas très au fait de ces affaires-là. Les Ecritures, ce qu'on en fait, pour toi, c'est comme avancer en terrain miné. Pourtant, tu perçois dans ce titre au doux parfum de provocationLes Saintes du scandale une invitation. Quant à Erri de Luca, tu as eu vent de son attachement au texte* et pour saluer son initiative, tu acceptes d'entendre ses mots.

C'est une histoire de femmes (ça, tu t'en doutes), d'exil et d'abandon. On raconte que Tamàr, Rahàv, Ruth, Bethsabée et Miriam-Marie, un jour, se mettent sur le chemin de Dieu. Pour cela, elles sont prêtes à mettre leur corps à contribution. Elles finiront par s'inscrire dans la plus passionnantes des lignées. 

Tu remarques avec étonnement que même rachetées par le fruit de leurs entrailles, ces femmes passent pour des Marie-couche-toi-là en puissance. Ma foi, on te fait croire bien des choses. Et l'hypocrisie ne s'arrête pas là, quand c'est tout le métier de femme qui est à revoir. 

Enfin, tu as gardé en mémoire une phrase que tu juges bon de partager ici : "L'histoire de la civilisation peut se réduire à l'histoire de l'asservissement de la beauté féminine." Un constat qui, jusqu'à présent, semble révélateur et sans appel...


*il a appris l'hébreu pour ainsi pouvoir lire les Ecritures dans le texte.

mardi 14 mai 2013

La clôture des merveilles, de Lorette Nobécourt


Tu ne sais pas trop quoi dire. Ni comment ni pourquoi tu sens que le livre est une invitation au voyage, et que tu te trouves disponible à vivre l'expérience Hildegarde de Bingen. Tu t'engages donc dans La clôture des merveilles, de Lorette Nobécourt, corps et âme. Il n'y a pas d'autre voie. 

Tu la rencontres à huit ans. Elle est offerte à Dieu. C'est comme répondre à un appel lancé plus tôt, il ne lui manquait alors que l'intelligence de pouvoir le comprendre. Plus tard, dans le silence et dans la joie, elle l'accueille de tout son coeur, de toute sa foi, de toute sa vie. 

Le texte te semble par moments prendre des chemins ombragés. Tu perds un peu tes repères, mais tu es poussé à poursuivre. Tu apprends vite qu'on ne résiste pas à l'aura d'Hildegarde de Bingen. 

Un feu l'anime et l'exalte, une lumière absolue. Ses intuitions l'élèvent et l'épanouissent : elle rayonne. Mais ce feu, c'est parfois trop pour son corps. Il lui faut l'extraire, elle va le diffuser par l'écriture.

Tu lui découvres un accès privilégié à la nature, et bien d'autres talents encore. Surtout, elle est directe, affranchie et - je te le concède - un brin illuminée. Tu es touché par ce portrait singulier qui est fait d'elle et tu commences à l'aimer, cette insoumise, celle qui n'eut qu'un seul mot d'ordre : promouvoir la vie. 



mercredi 8 mai 2013

Le garçon incassable, de Florence Seyvos



Au départ, tu ne comprends pas trop ce qu'il vient faire dans cette histoire, Le garçon incassable, de Florence Seyvos. D'ailleurs, tu dois avouer que tu sèches un peu. Buster Keaton, oui, l'acteur, Hollywood, tu penses savoir tout ça, mais tu n'arrives pas vraiment à le situer, et tu ne crois pas avoir vu un seul de ses films. Heureusement tu ne vas pas t'arrêter là. 

Tu avances sans repères. Tu te laisses porter par cette voix pudique qui te confronte maintenant à Henri. Henri est un drôle d'équilibriste, une allumette tordue qui suit clopin-clopant un fil de vie, d'émotions et de réactions qui ne tient qu'à lui. Henri est handicapé et cette rencontre t'anime, alors qu'elle aurait pu t'effrayer. Tu es conquis, tu t'accroches à lui. 

Tu oscilles désormais entre ces deux êtres fragiles et téméraires. Ce sont des hommes qui tombent, lancés par autant d'amour que de violence. Ce sont des corps solitaires, dont la principale défense est le rire. Tu comprends que ce sont eux, finalement, ces garçons incassables. Et pour toi, ils sont des héros magnifiques.

vendredi 3 mai 2013

Tu montreras ma tête au peuple, de François-Henri Désérable



Tu te dis qu'un nouveau talent, ça peut valoir la peine. Ou le coup, tu vas comprendre pourquoi. Car avec Tu montreras ma tête au peuple, François-Henri Désérable te plonge dans le Paris de la Révolution Française et de la Terreur, période les plus troubles de l'Histoire. Souviens-toi, c'est à y perdre la tête. 

Tu te mets à arpenter les couloirs de la Conciergerie. Tu y rencontres  Charlotte Corday, Marie-Antoinette, Danton et d'autres fameux, tous promis à une mort précipitée. Parfois tu entres dans leur intimité : chacun, à sa façon, se raconte  dans une dernière confession. Et surprise, au détour d'un chemin qui te mène à la Concorde, tu retrouves les Onze de Pierre Michon, et dans l'ordre s'il te plaît.

Tu le sais bien, ils n'y couperont pas. La Faucheuse, sous ses airs de guillotine, les attend pour signer la fin de cette mascarade.

C'est l'heure et tu es un peu ému. Eux sont prêts, tu les vois s'avancer la gorge déployée et la tête haute, leur dignité comme un dernier affront, avant d'abreuver les pages de la littérature.