jeudi 13 novembre 2014

Le roi disait que j'étais diable, Clara Dupont-Monod



Avec Le roi disait que j'étais diable, tu es convié à une union des plus détonnantes, celle de la célèbre Aliénor d'Aquitaine et du roi Louis VII. La version est assez inédite, car Clara Dupont-Monod s'est emparée de leur âmeTu en frémis d'avance. 

Aliénor est belle, Aliénor est fière. Sa réputation la précède. Son goût du luxe, son tempérament de feu et son esprit libre fascinent autant qu'ils dérangent. A côté d'elle, ce Louis qui la convoite fait bien pâle figure. Il a beau être son roi, elle ne lui cèdera pas, ne se privera pas pour dicter sa loi. Et gare à celui qui osera se dresser sur son chemin.

Quant à Louis, il est prêt à tout pour attirer les faveurs de sa dame, quitte à mettre le royaume à feu et à sang. Lui naguère si pondéré ne se reconnaît plus. Si l'amour a foudroyé son coeur, il s'y est infiltré comme un poison. Face à tant de colère et de frustration, seul Dieu le rédempteur s'impose désormais. Il sera son triste refuge. 

Dans ce bras de fer cruel, animé par autant de passions, tu ne saurais choisir ton camp. C'est là toute l'ingéniosité de cet ardent roman, qui dépasse la légende et revisite avec brio ce chapitre (sanglant) de l'Histoire de France. 

Le roi disait que j'étais diable, de Clara Dupont-Monod, est publié chez Grasset.

mardi 28 octobre 2014

Un monde flamboyant, Siri Hustvedt


C'est un bien curieux et ambitieux roman que Siri Hustvedt te présente là. Un monde flamboyant est l'oeuvre d'une oeuvre, le portrait d'une artiste qui se conjugue au pluriel, une interrogation profonde sur l'acte créatif et sa réception. C'est vertigineux. Et tu plonges dedans.

Quel pire affront, quelle pire souffrance pour un artiste, que de n'être pas vu. Cette non-reconnaissance, Harriet "Harry" Burden en est un témoin remarquable. Est-ce parce qu'elle est une femme? Une femme de?  Il y a de quoi enrager. Car du talent, elle en a. S'il s'agit juste d'une question de couilles, elle va leur en faire voir. 

Par trois fois, grâce à des prête-noms masculins, le succès est au rendez-vous et Harriet tient sa drôle de revanche. Mais dans ce jeu de masques, elle a fini par se perdre un peu. Tu la pensais invincible, maîtresse de son sort ; tu découvres, à travers la lecture de ses carnets et des différents témoignages, une personne plus fragile et plus troublante qu'il n'y paraît. 

Cette Harriet te bluffe, son esprit te fascine. Jamais un être de papier n'a été aussi palpable, une personnalité aussi fouillée. Un tour de force, opéré par une romancière hors pair. Et c'est brillant.

Un monde flamboyant, de Siri Hustvedt, est publié chez Actes sud.

dimanche 12 octobre 2014

Price, Steve Tesich



Depuis son apparition sur la scène éditoriale, Karoo a su marquer les esprits. On l'a adoré, certains l'ont détesté, d'autres encore l'ont délibérément ignoré. Aujourd'hui, Steve Tesich revient chez Monsieur Toussaint Louverture et nous présente Price. C'est son premier roman, paru aux Etats-Unis en 1982. Pour toi, c'est une révélation.

C'est l'été. Daniel Price vient d'en finir avec le lycée et a manqué sa sortie. Entre un père, dont la santé décline à vue d'oeil, et ses deux comparses de toujours, son quotidien à East Chicago ne s'annonce guère exaltant. Mais cette jeune fille, qu'il a remarqué la nuit dernière ? N'est-ce pas le destin qui l'a mise sur son chemin ? Il faudrait l'aborder pour le croire...

Ravissante et mutine, Rachel est une vraie bouffée d'air frais pour Daniel, qui en tombe follement, désespérément amoureux. Mais peu à peu, cette relation lui échappe, tandis qu'il lui faut aussi affronter un père rongé par le cancer. Dans ce climat délétère, sonnant ainsi le glas de l'innocence, tu sens sa colère qui monte, prête à exploser.  

Tu es soufflé, impressionné par la force de ce sombre et étincelant roman. Price t'a secoué, offrant parfois un troublant miroir, et a bel et bien touché ton coeur. Il risque d'y laisser une profonde empreinte.

Price, de Steve Tesich, est publié chez Monsieur Toussaint Louverture. 

mardi 9 septembre 2014

Debout-Payé, Gauz





Attention, attention. Debout-Payé, c'est le roman qui éveille et qui détonne. Il est signé Gauz, un garçon généreux et brillant. Tu ne peux décemment pas passer à côté. 

Dans la famille d'Ossiri, comme dans celle de beaucoup d'Ivoiriens débarqués à Paris, on ne devient pas vigile par hasard. C'est un genre de tradition, un destin dont il faut savoir être fier. Des générations que ça dure. Comme si cela relevait presque d'un ordre établi. Tu dois y voir plus clair.

Des années 60 à aujourd'hui, Gauz te raconte alors une histoire de France clandestine, celle de l'immigré africain, et l'histoire de cette profession de l'ombre qui lui semble dévolue. Le quotidien s'avère parfois haut en couleur et les témoignages (véridiques) donnent lieu à des intermèdes jubilatoires.

L'oeil est vif, la plume tranchante. Dans ce monde qu'il observe avec une attention farouche, dans ce melting-pot de consommateurs débridés, Gauz joue les provocateurs et n'épargne personne. C’est drôle, incisif, d’une ironie délicieuse.  

Debout-payé, de Gauz, est publié au Nouvel Attila.

mardi 2 septembre 2014

Marina Bellezza, Silvia Avallone





La province de Biella est chère à Silvia Avallone. Elle y a vu le jour, a vu aussi  sa désertion par une génération touchée par la crise. C'est là qu'elle t'emmène aujourd'hui avec Marina Bellezza. Attends-toi à vivre des moments forts et saisissants.

Marina Bellezza ne peut te laisser indifférent. D'une beauté à couper le souffle, d'un tempérament de feu, elle est stupéfiante. Une vraie tornade. La star de demain, c'est elle, c'est son destin qu'elle a pris en main, pour échapper à un monde sans reconnaissance ni avenir... Jusqu'à ce qu'Andrea se dresse à nouveau sur son chemin et bouscule ses certitudes.

De Marina Bellezza, le pauvre Andrea en est fou. Pourtant lui, le jeune idéaliste, est aux antipodes des ambitions de sa dulcinée. Ce qu'il veut, c'est des vaches, et redonner vie aux terres pétrifiées de la vallée. Si le projet semble utopique, il est bien déterminé à le concrétiser. Reste à espérer que Marina aura son rôle à jouer.

C'est fou ce don qu'ils ont à te mettre dans tous tes états. Oui, car tu te retrouves à t'impliquer dans leur vie et tu finis par les comprendre, ces deux combattants. Leur rage et leurs blessures t'émeuvent. Leur amour, fier et orageux, te fait vibrer.

Marina Bellezza, de Silvia Avallone, est publié chez Liana Levi.

jeudi 28 août 2014

Jacob, Jacob, Valérie Zénatti



Tu t'arrêtes sur Jacob, Jacob de Valérie Zenatti et déjà quelque chose se passe. A l'évidence, ce roman s'entoure d'une aura particulière. Tu y es sensible, tu n'y résistes pas.

On est en Juin 44. Les Américains ont débarqué en Normandie. De l'autre côté de la Méditerranée, on mobilise les troupes. Jacob, le gai et beau Jacob, lui qui fait la fierté de tous, est appelé à libérer son pays, la France. Cette guerre, c'est l'inconnu. Elle va l'emmener bien plus loin qu'il ne s'y était préparé.

A Constantine, les nouvelles sont rares, tronquées. Autant dire qu'on ne sait rien et l'espoir reste une bien maigre consolation. A des lieues de là, Jacob et ses camarades progressent, célèbrent les victoires. Mais la mort est un rapace insatiable et sournois, elle les traque sans pitié. Elle finira bien par avoir sa peau. 

L'émotion est palpable. Subjugué par cette langue lumineuse, douce, puissante, tu accompagnes la moindre prière, le moindre frisson, la moindre larme de cette famille juive prise dans les griffes de l'histoire. Et tu répètes, dans un murmure, "Jacob, Jacob". Ce titre qui trébuche résonne comme une incantation.

Jacob, Jacob, de Valérie Zenatti, est publié aux éditions de l'Olivier.

mercredi 12 mars 2014

Monastère, Eduardo Halfon




Eduardo Halfon est un auteur qui compte. Déjà dans La Pirouette, sa voix à la fois grave et légère, sèche et sensuelle t'avait fait forte impression. Tu la retrouves aujourd'hui dans Monastère. En son coeur? La question de l'identité. 

Direction Israël. Le voyage est éprouvant, il est fait à contre-coeur. Il faudra pourtant faire bonne figure, c'est un mariage qu'on célèbre. Mais depuis que sa soeur est promise à un Juif orthodoxe, Eduardo ne la reconnaît plus. Quant à l'incursion dans ce monde qu'on prétend le sien, il n'en gardera qu'un goût amer.

Heureusement Tamara est là, elle ne l'a pas oublié. Dans ce pays engourdi par une chaleur de plomb, elle est un vent de fraicheur et de liberté, l'échappatoire parfaite. Mais hors des sentiers battus, tandis que l'escapade tourne à l'idylle, elle va le pousser dans ses retranchements et le confronter à lui-même. 

Tu entends ses interrogations, ses petits arrangements avec son identité. Ils vont te mener d'Antigua Guatemala jusqu'en Pologne, sur les traces de son grand-père déporté. Le récit alors gagne en émotion, en intensité. Et tout s'éclaire enfin. 

Monastère, d'Eduardo Halfon, est publié aux Editions de la Table Ronde (collection Quai Voltaire).

mardi 4 mars 2014

Le colonel et l'appât 455, Fariba Hachtroudi



Quand tu découvres Le colonel et l'appât 455 de Fariba Hachtroudi, la tension est déjà palpable. Tout de suite, tu es happé par ces mots. Ils vont se révéler bouleversants.

Lui est demandeur d'asile. En république théologique, il est colonel. Il a la confiance du Commandeur suprême. Il est ivre d'amour pour une femme qui refuse de se soumettre. Un jour, la situation lui échappe. Aux yeux de tous, il est un traître. Il doit alors fuir. Pour se sauver.

Elle est là pour traduire. Il la reconnaît, elle est la 455 de la section 209. Un nombre à part, une héroïne. Dans l'enfer de Devine, prison où règnent les pires sévices, elle s'est murée dans le silence pour protéger son amour, sa vie. Aujourd'hui, elle est libre. Et voilà que le passé la rattrape. 

Sur cette terre d'exil, les retrouvailles font office de confrontation. Tu entends leur chant, nourri d'amour, d'espoir et de fureur. Peu à peu, les zones d'ombre s'effacent. Et la vérité prend parfois un accent cruel. 

Le colonel et l'appât 455, de Fariba Hachroudi, est publié chez Albin Michel.

mercredi 26 février 2014

La légèreté, Emmanuelle Richard


Avec La légèreté, tu te replonges dans cette période exacerbée qu'est l'adolescence. C'est ingrat. Sous la plume d'Emmanuelle Richard, c'est un premier roman qui fait preuve de finesse et d'éclat.

Légère, tu sens tout de suite qu'elle ne l'est pas. D'abord il y a ses seins, l'absence manifeste de ses seins, d'une féminité qui cherche furieusement à s'assouvir. Puis il y a les copines et leur monde, dont elle ne possède pas les codes. Enfermée dans ce corps inclassable, elle bout. 

C'est l'été, direction l'île de Ré. Entre le camping et la plage, seule ou accompagnée, face au troublant désir des garçons, elle reste sur ses gardes. Car rien ne serait plus terrible que de faire mauvais genre. Quant au garçon qui la regarde, elle ne l'a pas vu venir. C'est rien, une erreur, pas de quoi se retourner. Et c'est tout. 

La jeune fille est sauvage et mutine, elle a de l'émotion à revendre. Avec elle, tu revis ce jeu de tensions, entre la honte le désir et le dégoût. Ca secoue parfois, mais les sensations restent intactes. C'est vrai, c'est surprenant. C'est un tableau remarquable. 

La légèreté, d'Emmanuelle Richard, est publié aux Editons de l'Olivier.

mardi 18 février 2014

Buvard, Julia Kerninon


Tu t'approches de Buvard et tu es envahi par un vent de fraîcheur. C'est un premier roman, il est signé Julia Kerninon. Instantanément, tu tombes sous le charme.

Tu t'envoles pour le Devon, Angleterre, à la rencontre de Caroline N. Spacek. Grâce à Lou, tu pénètres l'antre de cette romancière à l'aura délicieusement déconcertante. Ni une, ni deux, le huis clos s'installe. Et la langue de notre hôte commence à se délier. 

Les souvenirs affluent et Caroline déballe, tout en ménageant ses effets. Normal, elle est un putain d'écrivain. Mais au-delà des succès et des scandales, c'est une femme singulière et passionnante qui se dévoile. Et tu n'es pas au bout de tes surprises.

De ces neuf semaines, tu n'en perds pas une miette. Entre Caroline et Lou, un jeu de miroir s'est créé et tu touches de près aux mystères de la création. C'est vertigineux, violent. Mais comme cela peut être enivrant.

Buvard, de Julia Kerninon, est publié au Rouergue.

lundi 10 février 2014

L'homme qui avait soif, Hubert Mingarelli



Il y a comme une évidence. Le Japon, son minimalisme et sa poésie, cela sied bien à Hubert Mingarelli. L'homme qui avait soif en est la preuve irréfutable. Tu vas être enchanté.

La soif tyrannise Hisao, elle vient de lui jouer un mauvais tour. Pour quelques gouttes d'eau, elle l'a fait descendre du train qui l'amène auprès de sa promise, Shigeko. Ainsi éloigné, il a fini par manquer à l'appel, laissant s'enfuir sa valise et la promesse d'un avenir paisible.

Hisao ne perd pas espoir et part à la poursuite de son bien. Tu l'accompagnes alors dans un drôle de périple, hanté par le souvenir de Takeshi, mort dans la montagne. Là-haut, c'était la guerre, et pour ça on creusait. Et seul le chant de son ami le réconfortait.

Au gré des épreuves et des rencontres, le voile se lève, tu comprends tout, c'est un chemin pour la paix de son âme. Il se révèle du plus bel éclat.

L'homme qui avait soif, d'Hubert Mingarelli, est publié chez Stock.


mardi 4 février 2014

Réparer les vivants, Maylis de Kerangal


Tu ne sais pas vraiment où tu mets les pieds. Avec Réparer les vivantsMaylis de Kerangal a de quoi étonner. L'histoire ? Elle est inédite. C'est celle d'une transplantation cardiaque.

Tout commence avec Simon, la fougue et la jeunesse de Simon. Prendre son surf, partir avec les copains au petit matin, prendre la vague et mettre le coeur à l'épreuve. Tu sens déjà une certaine tension et le drame se profiler. Il arrive, il est là où on ne l'attend pas. 

La vie alors prend un autre tournant. Il faut faire vite, l'enjeu est crucial. Tout le monde est sur le pont. A présent tu te lances dans cette drôle de course où chaque geste, chaque mot compte. Il s'agit surtout de ne rien brusquer. Entre l'urgence et la patience, on se passe le témoin pour mener ce coeur à bien.

Tu passes ces 24 heures à suivre ces âmes qui gravitent autour de Simon. Tu es leurs yeux, leurs mains, leur force. La chorégraphie est parfaite, elle défile à un rythme déconcertant. Il y a de quoi être impressionné.

Réparer les vivants, de Maylis de Kerangal, est publié chez Verticales.

mardi 28 janvier 2014

La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon


Elle a pu te faire rêver, Nina Comaneci. Il faut dire que c'est un sacré numéro. Une fille en or. Aujourd'hui, sous la plume de Lola Lafon, elle est La petite communiste qui ne souriait jamais. Tu vas en prendre plein les yeux.

Tu es aux JO de Montréal, été 1976. Nina Comaneci a 14 ans. Sur la poutre, aux barres asymétriques, elle est éblouissante. Elle est même parfaite. C'est du jamais vu et aucune autre gymnaste ne peut faire le poids. C'est une tueuse, une machine de guerre en frange et justaucorps. La voilà inscrite dans la légende.

Tu entres à présent dans sa genèse et tu trouves Bela. Avec cet entraîneur sorti de nulle part, elle forme un duo que rien ne pourrait arrêter. Mais la gymnastique n'est pas qu'une affaire de discipline, aussi harassante soit-elle. N'oublie pas d'où elle vient, ton héroïne. Sa Roumanie n'a qu'un maître.

Son rayonnement a dépassé bien des frontières et pourtant elle demeure insaisissable. Infaillible ? Non. Tu l'auras compris, les revers de la médaille ne sont pas des plus doux. 
Quoi qu'il en soit, son parcours captive. Et tu as de quoi être scotché. 

La petite communiste qui ne souriait jamais, de Lola Lafon, est publié chez Actes sud.